Comment accéder aux informations sur les bénéficiaires effectifs d'une société ?


Découvrez comment accéder aux informations sur les bénéficiaires effectifs des sociétés après la restriction imposée par la Cour de justice de l'Union européenne et la sixième directive anti-blanchiment. Procédures, acteurs autorisés et astuces pour justifier un intérêt légitime.

Contexte et cadre juridique

Le 22 novembre 2022, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu une décision majeure, limitant l’accès public au Registre des bénéficiaires effectifs (RBE). En vertu de cette décision, l’accès à ces informations, autrefois public, est désormais restreint pour protéger les droits fondamentaux des individus, conformément à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

 

Cette décision découle de la sixième directive anti-blanchiment (6AMLD), qui vise à lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Cependant, la CJUE a jugé que l’accès public constituait une ingérence disproportionnée dans la vie privée. Cela marque un tournant pour les entreprises et les professionnels cherchant à obtenir des informations sur les bénéficiaires effectifs.

Qui peut accéder au RBE aujourd'hui ?

L’accès au RBE est désormais restreint aux entités justifiant d’un intérêt légitime, ainsi qu’à certains acteurs mentionnés dans la loi Sapin 2 et le Code monétaire et financier. Parmi eux :

 

  • Les autorités judiciaires (juges, procureurs),
  • La cellule de renseignement financier nationale (TRACFIN),
  • Les agents des douanes et des finances publiques,
  • Les officiers de police judiciaire,
  • Les autorités de contrôle, telles que l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) et l’Autorité des Marchés Financiers (AMF),
  • Les entités privées soumises à des obligations de vigilance dans la lutte contre le blanchiment d'argent (banques, assurances, avocats, etc.).

 

En plus de ces acteurs, toute personne justifiant d'un intérêt légitime peut demander l'accès au RBE. Cela inclut les avocats, comptables, banquiers, ou encore les courtiers.

Les informations disponibles dans le RBE

Même si l'accès est restreint, certaines informations sur les bénéficiaires effectifs restent accessibles pour les personnes autorisées. Ces informations incluent :

 

  • Nom et prénom des bénéficiaires,
  • Mois et année de naissance,
  • Nationalité,
  • Pays de résidence,
  • Nature et étendue de l'intérêt effectif détenu dans la société.

 

Ces données permettent d’identifier les personnes exerçant un contrôle significatif sur la société, mais sont limitées pour protéger la vie privée des bénéficiaires.

Procédure d’accès au RBE

Pour obtenir l’accès aux informations du RBE, il est nécessaire de suivre une procédure formalisée via l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle). Voici les étapes principales :

 

  1. Compléter un formulaire de demande disponible sur le site de l’INPI (www.inpi.fr).
  2. Joindre les pièces justificatives, notamment :
    • Une carte d’identité ou un passeport,
    • Le numéro de SIREN de la société,
    • Une attestation sur l'honneur signée par le demandeur.
  3. Soumettre la demande via l’interface dédiée sur le site de l’INPI.

Cette demande sera ensuite examinée par le greffe du Tribunal de commerce qui déterminera si l'intérêt légitime est justifié.

Examen de la demande par le Tribunal de commerce

Le greffe du Tribunal de commerce est chargé de vérifier si la demande respecte les critères d'un intérêt légitime. Le demandeur doit prouver que son intérêt est réel et direct. Voici les issues possibles :

 

  • Acceptation : La demande est validée, et l’accès est accordé.
  • Demande d’éléments supplémentaires : Si les informations fournies sont jugées insuffisantes.
  • Rejet : En cas de doute sur l'intérêt légitime ou l'exactitude des documents fournis.

Comment justifier un intérêt légitime ?

L’intérêt légitime est un concept clé dans l’accès au RBE. Les avocats, banquiers, comptables et autres professionnels peuvent généralement justifier cet intérêt dans le cadre de leurs obligations professionnelles.

 

  • Avocats : Dans le cadre de procédures judiciaires ou pour des dossiers de conformité.
  • Banquiers et assureurs : Pour des vérifications de diligence raisonnable (due diligence).
  • Experts-comptables : Lors d’audits financiers.

 

Le demandeur doit fournir une documentation complète et détaillée afin de prouver la nécessité de l’accès.

Les conséquences de la restriction d'accès au RBE

La limitation d’accès au RBE soulève plusieurs problématiques pour les professionnels et entreprises :

 

  • Transparence financière réduite : Les entreprises devront se tourner vers des sources d'informations alternatives ou faire appel à des experts pour obtenir des informations.
  • Difficultés pour les entreprises : Les structures devront adapter leurs pratiques de conformité et s’assurer qu’elles peuvent toujours accéder aux informations nécessaires pour répondre aux exigences de vigilance.

 

D’un autre côté, cette restriction permet une meilleure protection des données personnelles, alignée avec le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données).

Les défis liés à la nouvelle réglementation

Les entreprises doivent s’adapter à cette nouvelle réglementation, notamment en ajustant leurs procédures internes de vérification des informations.

 

Les intermédiaires financiers et autres professionnels du droit et de la finance doivent veiller à être conformes aux nouvelles règles d'accès restreint tout en respectant leurs obligations légales en matière de vigilance.

Perspectives d’évolution et réformes futures

Le cadre actuel d’accès au RBE pourrait évoluer à l’avenir. Certains acteurs plaident déjà pour une réévaluation de la notion d’intérêt légitime, et des réformes pourraient être proposées pour ajuster le niveau d’accès en fonction des besoins des professionnels.

 

La question de l’équilibre entre la transparence et la protection des données personnelles restera au cœur des débats réglementaires dans les années à venir.

Conclusion : La nécessité d’un accès équilibré

En résumé, la décision de la CJUE introduit un nouvel équilibre entre la protection des données personnelles et la transparence dans la lutte contre le blanchiment d’argent.

 

Pour les entreprises et les professionnels, il est essentiel de comprendre ces nouvelles règles et de s'assurer que leurs pratiques de vérification soient en conformité avec la réglementation.

 

Un accompagnement juridique spécialisé est fortement recommandé pour éviter tout risque lié à cette nouvelle législation.