L'anonymisation de l'identité dans la presse : Entre liberté d'information et respect de la vie privée


La mention de données personnelles dans la presse soulève de nombreuses problématiques car aucun texte de loi ne prévoit une obligation pour les éditeurs d’anonymiser le contenu de leurs articles ou au contraire d’identifier les personnes, notamment lorsqu’elles ont fait l’objet d’une condamnation pénale.

 

Question :

Une personne dont l’identité est divulguée dans un article de presse relatif à sa condamnation pénale peut-elle valablement en demander l’anonymisation auprès de l’éditeur de presse ?

 

Attardons nous ici sur les différentes positions adoptées par les tribunaux et sur les alternatives envisageables en cas d’atteinte disproportionnée à la vie privée.

Priorité à la liberté d'expression et d'information

En matière de données personnelles, les juges examinent les intérêts en présence et le contexte dans lequel elles ont été utilisées, notamment le nom et le prénom.

 

En pratique, l’anonymisation d’un article reste difficile à mettre en œuvre dans la mesure où les éditeurs de presse et journalistes sont protégés par la liberté d’expression et d’information, inscrites à l’article 11 de la Convention Européenne des droits de l’Homme (ci-après « Conv. EDH »).

 

Par exemple, le Tribunal de Grande Instance de Paris s’est prononcé le 8 janvier 2016 sur une affaire dans laquelle l’identité d’une personne condamnée pour violence aggravée avait été dévoilée dans un article de presse en ligne.

 

Les juges n’ont pas fait droit à la demande d'anonymisation, en expliquant que « la mention de ses nom et prénom dans l’article incriminé est […] en lien étroit avec un fait divers de nature criminelle dont il a été, avec sa victime, l’acteur principal ».

 

Dans une autre décision portant sur des faits similaires, la demande d’anonymisation de l’ex-condamné a également été rejetée, sur le fondement de l’article 17. 3 a) du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD).

 

Cet article prévoit une dérogation au principe de protection des données personnelles, dont les éditeurs de presse bénéficient.

Les cas possibles d'anonymisation

Dans des conditions très particulières, la Cour européenne des droits de l’Homme (ci-après « CEDH ») s’est prononcée en faveur de l’anonymisation des données personnelles d'une personne condamnée au sein d'un article de presse.

 

La CEDH a pris en compte l’ancienneté de la condamnation et l’atteinte portée à la réputation et à la vie privée. Les juges ont fait application du droit à l’oubli, inscrit à l’article 17 du RGPD, car les faits remontaient à près de vingt ans et empêchaient la personne de se « resocialiser normalement ».

Les alternatives envisageables

Deux fondements ont déjà été accueillis par les juges afin de sauvegarder la vie privée des intéressés :

  • le droit à l’oubli
  • le déréférencement du site internet litigieux.

L'exercice du droit à l'oubli

Le droit à l'oubli permet d’obtenir l’anonymisation voire la suppression de l’article de presse auprès de l’éditeur.

 

Malgré la dérogation posée par l’article 17 du RGPD, il a déjà été admis par la CEDH que l’anonymisation d'un article pouvait être envisageable, si certaines conditions étaient remplies :

  • L’absence de notoriété publique de l’intéressé ;
  • La non existence d’intérêt contemporain / historique à la divulgation ;
  • L’existence d’un certain laps de temps entre les deux divulgations ;
  • La difficulté de réinsertion dans le monde du travail ;
  • L’apurement de la dette du condamné.

Déréférencement du site

Si l’anonymisation n’est pas envisageable, il est possible de solliciter le moteur de recherche (ex : Google) pour que celui-ci effectue un déréférencement du site litigieux si ce dernier est à l’origine d’un préjudice, en se fondant sur les articles du code civil suivants :

 

Le déréférencement a déjà été admis par les tribunaux dans une affaire relative à un site comportant des données personnelles et nuisant fortement à la recherche d’emploi de l’intéressé[1].

 

Dans cette affaire, les juges ont considéré que l’information du public n’était plus nécessaire compte tenu du temps écoulé entre les faits reprochés et la demande de déréférencement.

 

Néanmoins, le déréférencement n’est pas systématique et sera probablement refusé si la condamnation pénale est en lien avec la profession de l’auteur de l’infraction.

Conclusion

Solliciter l’anonymisation d’un article de presse dévoilant votre l’identité a peu de chance d’aboutir, sauf si les faits reprochés sont anciens et entravent considérablement votre droit à la vie privée et à la réinsertion.

 

Dans ces conditions, la demande de déréférencement du site internet litigieux semble être l’alternative la plus accessible.  


[1] TGI Paris, réf., 19 déc. 2014 Marie-France M. c/ Google France et Google Inc.



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